[Boris Karpov: Jacques Cheminade est candidat aux élections parlementaires françaises du 30 juin et 7 juillet dans une circonscription des français de l'étranger. Il a bien voulu donner une interview exclusive à Valérie Béranger, correspondante en France de RusReinfo.]
Diplômé d’HEC et de l’ENA, fondateur du Parti politique Solidarité et Progrès, Jacques Cheminade a fait partie des hauts fonctionnaires du ministère de l’Economie et des Finances. Nommé attaché commercial à l’ambassade de France à New York, il découvre aux Etats-Unis les idées de l’économiste Lyndon La Rouche. Une rencontre déterminante qui va le convaincre du combat à mener contre la finance qui ronge l’économie. Aujourd’hui candidat dans la 11ème circonscription des Français de l’étranger, qui regroupe 49 pays dont la Russie, l’Ukraine et la Chine, il se bat contre la guerre en Ukraine, pour un rapprochement avec la Russie et pour un retour à la souveraineté et à l’indépendance de la France.
Vous avez travaillé aux USA. On aurait donc pu croire que vous partagiez le narratif Otanien. Pourtant vous semblez prendre le parti de la Russie. Vous pouvez nous expliquer ce paradoxe ?
A l’origine je ne voulais pas aller à Washington, je voulais aller en Chine ou en Asie, mais l’administration française qui n’a jamais très bien compris le monde m’a dit « en Chine il ne se passera rien » ! Il est vrai que nous étions en 1974. Ils m’ont donc envoyé aux Etats-Unis où je suis allé en trainant les pieds. Là-bas j’ai rencontré beaucoup de Français. 80 % détestaient les USA et 20 % les adoraient, et ce pour toutes les mauvaises raisons du monde. Tout ça parce qu’ils ne connaissaient ni les uns ni les autres la véritable Histoire des Etats-Unis. Car cette Histoire c’est le combat permanent des patriotes contre l’oligarchie financière qui aujourd’hui « occupe » ce pays qui se retrouve entre les mains d’un ensemble de forces militaro-financières et médiatiques.
Là-bas j’ai rencontré Lyndon La Rouche qui défendait l’économie physique et l’économie productive. Il disait que ce qui se passait dans le monde c’était d’un côté les anglo-américains qui poussaient une finance de court terme qui allait corrompre et détruire. Et si vous vous attaquiez à cela vous étiez considéré comme « communiste » ou en tous cas de gauche. Mais en même temps se développait une contre-culture basée sur la tolérance pour les drogues, sur le sexe marchandise, la musique-bruit. Et si vous étiez contre cela on disait que vous étiez de droite ou d’extrême droite. Désormais, ce sont ces deux éléments qui ont marqué ces dernières années et qui ont créé cette destruction morale, intellectuelle et politique des pays occidentaux.
J’avais rencontré à l’époque Sergey Glazyev, maintenant chargé des affaires économiques extérieures pour la Russie dans le cadre de l’Union Economique Eurasiatique, qui a déclaré que ce sont ses conversations avec mon ami américain Lyndon La Rouche qui ont inspiré sa propre conception de l’économie physique. Actuellement, il travaille à la dédollarisation progressive de l’économie mondiale. Il voulait, déjà en 2002, lorsque j’étais moi-même à Moscou, passer à des échanges basés sur les monnaies nationales des Etats pour assurer à ces pays leur souveraineté monétaire.
Néanmoins, pour créer des échanges commerciaux équilibrés, il est nécessaire de créer, comme Glazyev et moi-même le proposons, un instrument de référence commun qui s’appuie sur des choses réelles comme l’or ou un panier de matières premières reposant sur un prix établi entre les parties prenantes par des contrats à très long terme. Donc de sortir de l’économie spéculative de l’oligarchie financière. Et c’est ça la définition de la paix. C’est pour ça que je me bats. Parce que ce qui nous mène à la guerre c’est cette oligarchie-financière dont la « bulle » est prête à éclater. Cette oligarchie-financière veut sauver cette bulle à tout prix en pillant et en attaquant les autres. Ce qui explique la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui.
Vous vous présentez aux élections Législatives. Pourquoi la 11ème circonscription ?
Parce que c’est là que se joue le sort du monde. Je pense qu’il faut une voix qui puisse dire « je vous comprends » et qui soit capable d’agir.
La 11ème circonscription des Français de l’étranger réunit 49 pays. Elle va de l’extrême Nord à l’Australie en passant par la Chine et la Russie, ce qui tombe bien parce que c’est à cette échelle que nous devons relever le défi.
Cette circonscription représente un enjeu décisif pour la paix dans le monde, tant pour la France que pour la Russie.
Il faut avoir bien conscience que par la faute d’Emmanuel Macron et des autres dirigeants occidentaux, nous vivons sous une menace immédiate de guerre. En frappant à Armavir et à Orsk le système de défense intercontinentale anti-missiles balistiques russe avec des drones ou peut-être même d’autres engins, l’Otan a franchi une ligne rouge. Face à cela, Vladimir Poutine a réagi avec beaucoup de calme et de prudence et il a eu raison.
En organisant le D-Day en Normandie le 6 juin dernier, Emmanuel Macron a accueilli Volodymyr Zelensky et exclu les représentants de la Russie, ce qui n’est dans l’intérêt ni du peuple russe, ni du peuple ukrainien, et encore moins du peuple français, mais dans celui de tous les pêcheurs en eau trouble qui jouent au poker menteur avec nos vies. C’est une provocation insensée vis-à-vis de la Russie alors que la France devrait se poser en médiatrice et inspiratrice d’une politique de paix pour retrouver sa grandeur et son influence perdues.
Comment est-ce que vous jugez l’attitude de la Russie par rapport au conflit ukrainien ?
La Russie est entrée en guerre parce qu’elle a été provoquée par l’extension de l’Otan. Tout ce que demandait les Russes c’était que l’OTAN dirigée par les Etats-Unis cesse de s’élargir à l’Est, en renonçant à installer une base militaire en Ukraine.
Vladimir Poutine en son temps a rappelé une vieille promesse des Etats-Unis et de leurs alliés – en présence et avec l’approbation de Genscher, le secrétaire d’Etat allemand, et Roland Dumas pour la France, qui me l’a confirmé d’ailleurs -, faite à la Russie le 9 février 1990 par le secrétaire d’Etat US James Baker III, que l’OTAN ne s’étendrait pas au-delà du territoire de l’ex-Allemagne de l’Est. Promesse que le secrétaire général de l’OTAN lui-même avait confirmé quelque temps après. Or, depuis cette date, la plupart des ex-pays socialistes et notamment la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, la Roumanie et Pays baltes, ont tous intégré l’OTAN. Seul l’Ukraine manque au tableau. Ce dont ne veut pas la Russie. Gorbatchev en son temps avait déclaré « j’ai eu tort de ne pas le faire acter par écrit mais je croyais que ces gens étaient honnêtes ». Gorbatchev était dans l’illusion complète vis-à-vis des occidentaux.
Ce sont toutes ces trahisons qui ont déclenché la réaction de Poutine. Jusqu’en 2007 Vladimir Poutine a voulu participer au système occidental. Le 11 septembre aux USA il a été le premier à appeler George W. Bush pour lui dire « faisons ensemble la guerre au terrorisme ». Il était membre du G8, qui est devenu depuis le G7 après l’expulsion de la Russie en 2014. Il voulait rentrer dans l’Otan. Il a constamment été trahi.
D’ailleurs il le mentionne dans son allocution du 14 juin dernier : « Les promesses faites à l’Union soviétique, puis à la Russie à la fin des années 1980 et au début des années 1990 de ne pas inclure de nouveaux membres dans l’Alliance ont été simplement oubliées. Et même lorsqu’on s’en souvenait, c’était avec un sourire ironique, en se référant au fait que ces affirmations étaient orales et donc non contraignantes. »
N’oublions pas que François Hollande et Angela Merkel ont reconnu qu’ils avaient trahi les accords de Minsk – sans doute sur les ordres de Washington -, c’est-à-dire qu’ils gagnaient du temps en armant l’Ukraine pour attaquer la Russie, et c’est également l’une des raisons qui a déclenché l’opération spéciale russe. Il faut remettre la vérité à sa place. En France, que ce soit l’extrême droite, l’extrême gauche ou l’extrême centre, ils sont tous pour la guerre.
Le Centre c’est Macron, on le connaît. Mais le nouveau Front Populaire dans son programme intègre la nécessité de « défendre l’Ukraine ». Ainsi on peut y lire : « Pour faire échec à la guerre d’agression de Vladimir Poutine, et qu’il réponde de ses crimes devant la justice internationale : défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières, par la livraison d’armes nécessaires ».
Et Jordan Bardella, président du Rassemblement National, lors du salon de la Défense Eurosatory, le 19 juin, a dit « l’Ukraine doit pouvoir se défendre, il faut lui fournir des armes ». Il est contre le fait de frapper directement le territoire russe, mais si nous fournissons des armes à l’Ukraine, on ne pourra pas en contrôler l’usage ! En outre, Bardella a applaudi Zelensky au Parlement Européen, sans réserves.
Tous ces gens-là sont des lâches et ils font partie de la « famille ».
Quand selon vous la France arrêtera-t-elle de se comporter comme un serviteur de l’oligarchie financière des Etats-Unis ?
Actuellement la France endosse la politique militaire et financière anglo-américaine. Donc, on est dans « le temps des troubles ». La France ne compte plus que pour du beurre au plan international tout en étant dans le mauvais camp.
Nous sommes dans une politique de ce que De Gaulle appelait « le monde de l’argent ».
C’est aussi pour cela que je me présente. Pour envoyer un missile décisif en guise d’avertissement pour que la France se ressaisisse et se libère de cette occupation culturelle et financière dont elle est l’objet.
Il faut comprendre que la politique des néo-conservateurs américains est contre les Etats-Nations.
Ce qui sauvera sans doute la France c’est la prise de conscience par le peuple de ce qui est fait à leurs enfants. Ainsi, les décisions prises par Xi Jinping contre la société des écrans, de même que les mesures de protections prises en Russie pour les enfants sont très importantes. Même si elles semblent coercitives, elles ne visent qu’à protéger les générations futures des dérives en tout genre.
Songez qu’il est imposé à la France par les services de la Commission Européenne d’inclure dans son PIB les trafics de drogue, d’êtres humains, de la prostitution et des armes, parce que c’est de la monnaie. Dans cette « nef des fous » monétaire tout ça fait partie intégrante du PIB et c’est cela qu’il faut combattre. Ce sont les Black-Rock, State street, ou encore Vanguard, qui sont à la base du trafic de drogue et du blanchiment de l’argent de la drogue. Nous sommes dans en système en occident de mafias criminelles au pouvoir. Même certains politiques, qui n’en sont pas conscients, les servent parce que ça aide leur carrière.
Comment expliquez-vous que la France semble accepter désormais de valider le nazisme contre lequel nos parents et grands-parents se sont battus ?
Valider le nazisme est sans doute exagéré. C’est une forme de racisme vis-à-vis des Slaves, qui n’est pas un racisme biologique mais un racisme culturel. L’Occident, et notamment la France, est persuadé d’être « le bien » quoi qu’il arrive.
C’est un processus de décomposition qui a commencé après les années Pompidou. Peu à peu la France s’est adaptée à l’ordre anglo-américano-occidental. Dans le monde anglo-saxon, ce sont les Anglais qui sont l’esprit et ce sont les Américains qui représentent le muscle. Le moment fondamental c’est 1986 où est entré en vigueur l’Acte unique européen, à savoir la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes. C’était la fin de l’Etat-Nation que j’ai été le seul à dénoncer à l’époque, en disant « Acte unique, acte inique ».
Le second phénomène est culturel. La France s’est peu à peu décomposée, et je crains que cette opération ne se poursuive en Chine à travers l’introduction de la sous-culture par la Corée du Sud et en Russie, par l’arrivée de cette sous-culture de dépravation qui ne donne pas à l’être humain la capacité de connaître, de comprendre et de penser à faire le bien.
En France, ça a commencé en 1946 par l’accord entre Blum et Byrnes, l’américain, qui a permis de faire rentrer tous les films d’Hollywood sans taxe. A partir de là nous avons été envahis peu à peu par leur sous-culture. Le festival de Cannes en est l’exemple type. C’est une véritable orgie. Et toutes les décisions prisent par les « élites » désormais découlent de cette sous-culture anglo-saxonne.
Vous avez déclaré vouloir détruire le véritable maître de Macron. A votre avis qui est ce maître et surtout comment le détruire ?
Ce n’est pas seulement Macron le problème, c’est tout le système néo-conservateur financier américain qui l’a engendré. Macron croit qu’il est à la source de tout et il s’aperçoit qu’il n’est qu’un pion. Il croit qu’il a fait une grande manœuvre par la dissolution de l’Assemblée nationale – décision vraisemblablement prise depuis plusieurs mois par ailleurs avec l’accord de Washington – et il s’aperçoit que la bombe vient de lui éclater à la figure. En détruisant l’oligarchie-financière on mettra à bas notre propre esclavage. Nos élites actuelles ne sont ni plus ni moins que des « hommes de caoutchouc ».
Vous prétendez stopper la guerre de l’Otan contre la Russie. Comment vous y prendrez-vous ?
J’appelle à la dissolution de l’Otan qui est devenue l’arme de l’oligarchie financière. J’appelle à approuver la proposition de paix présentée le 14 juin par le président Poutine.
Il existe en France au niveau de l’armée des gens honnêtes et concernés, par exemple au sein du Cercle de Réflexion Interarmées et aussi de Place d’Armes, un front de résistance qui se manifeste de plus en plus. Il est erroné de penser qu’en France tout le monde se rallie aux politiques. Si d’autres que Macron sont élus, ils subiront une pression énorme d’arrêter la guerre et c’est là où je pourrai jouer un rôle.
Certains sont déjà en train de mesurer les conséquences de la folie de notre implication. Ils ont peur et c’est un sentiment salutaire.
La France possède des Institutions fortes qui, j’en suis convaincu, d’un point de vue militaire, du Renseignement et économique, diront à ce moment-là « il faut arrêter ». S’ils ne l’ont pas encore fait c’est tout simplement parce que la situation n’est pas suffisamment grave. Il faudra atteindre le fond du gouffre pour les voir réagir. Vous savez durant la dernière guerre beaucoup de résistants ne sont pas rentrés dans la Résistance tout de suite mais seulement à partir du 11 novembre 1942 lorsque les nazis ont occupé la totalité de la France. Pour que les peuples réagissent il faut des circonstances bien précises et là nous y sommes puisqu’au bord d’une guerre nucléaire.
On continue à envoyer des armes à l’Ukraine et cette dernière ne pouvant que perdre la guerre, on fait donc mourir les Ukrainiens en masse. Donc, l’Ukraine n’ayant plus de combattants qu’est-ce qu’on fait ? On enverrait des hommes sous uniforme ukrainien, qui seront en fait des Français déguisés. Mais à ça l’armée dira non. J’en suis certain, et Macron lui-même aura peur. Certes, il y en a déjà mais en petit nombre. De toute façon même si on envoie des Mirages, même si on envoie des hommes, c’est une guerre perdue d’avance pour l’Ukraine. Donc on va être acculé à faire une guerre ouverte de l’Otan contre la Russie, qui ne peut devenir que nucléaire, avec des armes de portée intermédiaire. Ce n’est pas pour rien, c’est à dire pour dissuader, que Vladimir Poutine a montré que la Russie était capable de mettre son parc nucléaire en état d’alerte. Les services américains savent très bien que les armes que possède la Russie sont supérieures aux leurs. Ceci dit, il y a toujours des fous qui risquent de tenter le tout pour le tout.
Mais moi, mon rôle, c’est justement de ramener tous les acteurs à la raison.
Vous pensez qu’ils vous écouteront ?
Actuellement dans certains cercles militaires et économiques oui, on m’écoute. Je suis encore loin du cœur du système, mais il y a des personnes qui occupent des positions clés, qui elles m’entendent.
L’avantage des militaires, c’est qu’ils savent que la guerre tue. Les autres ne voient ça trop souvent que comme un jeu vidéo sur un écran, c’est ça le problème. Lorsqu’ils prendront conscience que la guerre tue, comme la drogue tue, comme l’insécurité qui règne en France – notamment à Paris – tue pour de vrai, ils réagiront.
N’oublions pas que Jens Stoltenberg vient d’annoncer que les armes nucléaires de l’Otan étaient en état d’alerte. C’est très grave.
Aujourd’hui dans notre Parti, nous disons que la lame de fond contre la politique de Macron, qui a déferlé aux élections européennes, n’est pas représentée par les élus à la hauteur des circonstances. Nous interpellons tous les candidats à prendre position : contre la 3ème guerre mondiale, contre l’escalade militaire, pour l’arrêt des livraisons de matériel militaire à commencer par les missiles de longue portée, contre tous déploiements de militaires (instructeurs ou autres) en Ukraine, pour des négociations de paix immédiate et sans conditions préalables, dans l’engagement pour la neutralité et la reconstruction de l’Ukraine, pour la dissolution de l’Otan devenue le bras armée de l’oligarchie financière américaine, etc.
Moi je n’ai pas le choix. Je dois défendre la souveraineté nationale de la France et dire aux Français « vous êtes un peuple fort, vous ne le savez pas, vous vous soumettez ». Il faut un réveil. Il faut donner un futur à la jeunesse pour qu’elle se reprenne.
Admettons… la France, seule ou au sein de l’Otan, déclare la guerre à la Russie. Que feriez-vous dans ce cas et que déclareriez-vous ?
Je ferai tout pour que cela n’arrive jamais.
Je dirai, puisque vous me posez cette question impossible, que la France trahit alors son engagement pour la paix. Qu’en la trahissant elle se met dans le camp de la guerre et que, de fait, elle s’incline devant une nouvelle forme d’occupation. Il y a un moment où l’intérêt profond de son pays dépasse les lois parce que la légitimité prend le pas sur la légalité.
Je dénoncerai la situation et sans doute ferai-je ce que De Gaulle a fait lorsqu’il est allé à Londres. Je ne sais pas où j’irais. Peut-être en Chine, parce que les autorités chinoises me paraissent sages et fermes en même temps.
Que pensez-vous de la récente déclaration de Vladimir Poutine le 14 juin concernant la proposition de paix pour l’Ukraine ?
Elle me paraît raisonnable. Il faut agir vite pour sauver ce qu’il reste du peuple ukrainien que l’Otan envoie à une mort certaine. Il est plus que temps que « l’Occident » donne à Kiev l’ordre de lever l’auto-interdiction de négocier avec la Russie qui, elle, est prête à s’asseoir à la table des négociations dans des conditions qui sont aujourd’hui réalistes.
Les conditions énoncées par le Président russe sont parfaitement concrètes et pragmatiques : « Les troupes ukrainiennes doivent être complètement retirées des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, ainsi que des régions de Kherson et de Zaporojié. Je précise, de tout le territoire de ces régions dans leurs frontières administratives existantes au moment de leur intégration à l’Ukraine. Dès que Kiev déclarera qu’il est prêt à une telle solution et commencera le retrait réel des troupes de ces régions, et notifiera officiellement son renoncement à adhérer à l’Otan, de notre côté, un ordre de cessez-le-feu et d’entamer des négociations suivra immédiatement. »
C’était déjà ce qui avait été prévu et signé en avril 2022 par les Ukrainiens, qui après se sont dédits suite à la visite de Boris Johnson qui représentait alors tous les pays occidentaux qui voulaient continuer leur politique d’arrogance, se noyant dans l’illusion que Vladimir Poutine « bluffait » et qu’ils allaient l’amener à s’incliner.
Vous parlez de la construction d’une « nouvelle architecture avec les BRICS », comment l’envisagez-vous ?
Je trouve fondamentale la nouvelle proposition de Vladimir Poutine qui souhaite organiser une future organisation économique à l’échelle eurasiatique. « Partir du principe que la future architecture de sécurité est ouverte à tous les pays eurasiatiques qui souhaitent y participer. » Il fait également allusion aux pays européens, « même membres de l’Otan bien entendu ». C’est une occasion à saisir absolument.
Il faut prendre conscience de l’intérêt de la réunion des BRICS à Kazan les 22 et 24 octobre prochain. Macron avait demandé à être à Johannesburg et Sergueï Lavrov lui avait répondu « vous ne réunissez pas les conditions ». La France actuellement est considérée comme l’ennemie de la Russie. Donc, il faut contraindre Macron à la démission pour que la France, avec une tout autre politique, soit présente à Kazan.
Sergueï Glazyev, qui est aujourd’hui « le cerveau » des BRICS, cherche à rétablir un nouvel ordre financier international. C’est très important.
Aujourd’hui je me bats d’abord pour une politique étrangère qui ne dépende plus de ceux qui ont pris le pouvoir à Washington, mais qui, au nom de notre souveraineté nationale, s’accorde au contraire avec les pays du Sud global et des BRICS+, lesquels entendent faire respecter leur propre souveraineté. Je soutiens leurs initiatives, notamment celle de la Chine, pour un système international gagnant/gagnant. Il ne s’agit pas de se rallier à quiconque, mais de s’entendre avec les forces qui montent dans le monde.
Je veux me battre pour qu’une France libérée puisse être présente à Kazan, bien entendu sans Emmanuel Macron. Avec lui, ce n’est pas possible.
Il s’agit avant tout de participer à une nouvelle architecture de sécurité et de développement mutuels dans le monde, à l’avantage de chaque pays et sur l’image des principes du Traité de Westphalie en ne laissant personne au bord du chemin, ni les grands ni les « petits » pays, comme je le disais dès 1995, « de l’Atlantique à la mer de Chine ».
Il faut montrer à tous les pays européens que ce qu’ils font aujourd’hui, à deux ou trois exceptions près, est une trahison de leur souveraineté nationale. Notre propre souveraineté nationale est trahie par Macron, par Bardella, par tous ceux qui fomentent le Front Populaire… Tous ces gens-là s’aplatissent devant les anglo-américains et le système financier. C’est ce que le Conseil National de la Résistance a appelé en son temps « les féodalités financières ». L’Euro et le Dollar sont des régimes financiers qui reposent sur des spéculations. Vous avez aujourd’hui dans le monde environ 2 millions de milliards de spéculations qui reposent sur des produits dérivés. Et les Etats-Unis ont émis plus de dollars ces trois dernières années que dans toute leur Histoire. C’est de l’argent papier sans production. C’est une société de l’apparence, du virtuel et de l’arrogance. Moi je suis le candidat du parti du monde où l’on a l’espoir de voir autre chose. Où nos enfants et petits-enfants vivront mieux que nous.
N’est-ce pas utopique de vouloir arrêter les livraisons d’armes à l’Ukraine alors qu’elles rapportent des milliards au consortium militaire industriel français ?
Actuellement tous les pays réarment et c’est là qu’est l’immense danger. Cela rapporte aux intérêts de l’industrie de la Défense en France, c’est vrai, mais beaucoup plus aux Etats-Unis. Sur 100 et quelques milliards que l’Europe dépense pour les armes, la plus grande partie de celles-ci sont produites aux USA avec de l’argent européen. Nous sommes en fait les dindons de la farce. En plus, nous allons payer l’énergie en Europe trois à quatre fois plus cher qu’aux Etats-Unis. Comble de l’hypocrisie, parce que ça ce n’est pas dans les sanctions, on importe toujours de l’uranium enrichi de Russie dont dépendent environ 30 % des centrales nucléaires françaises et 30 % des américaines ! On continue à importer du gaz naturel liquéfié de Russie de la même manière, que nous payons plus cher qu’avant car il faut le traiter deux fois alors qu’avant nous recevions du gaz par gazoduc. Ne parlons pas du gaz naturel liquéfié américain : ils ont réussi à nous faire payer le prix de notre énergie trois à quatre fois plus cher que chez eux, alors que nous en France on dispose du nucléaire civil. C’est une honte.
Lorsque cela touche les intérêts profonds de l’État, en France et en Amérique, on contourne les sanctions sans problème. C’est une totale hypocrisie.
Tout ceci est aberrant. Dans les pays occidentaux nous sommes dans la nef des fous, d’où l’intérêt de rétablir la raison.
Que représente pour vous le plan de paix proposé par les Présidents Lula et Xi Jinping ? En quoi est-il positif ?
Ces propositions vont dans le sens de la déclaration de Vladimir Poutine. Alors que le fameux « sommet » Suisse n’était ni plus ni moins qu’une farce dont les principaux acteurs, la Russie et la Chine, étaient absents. Ce plan est positif parce qu’il admet qu’il faut arrêter de fournir des armes et obtenir la neutralité de l’Ukraine. Ce plan se base sur les demandes du Sud global.
Je pense que le récent voyage de Vladimir Poutine en Corée du Nord et au Vietnam est très important pour la sécurité mondiale. Parce ce que ses propositions à l’échelle eurasiatique sont cohérentes avec la nouvelle architecture que j’imagine, basée sur les pays du nouveau Sud global, tout en incluant les Etats-Unis si toutefois ces derniers changent de politique. Il ne faut pas attendre d’espérer….
Propos recueillis par Valérie Bérenger
Rediffusion autorisée en mentionnant le lien initial sur RusReinfo.ru