Suite à notre enquête sur les français en Russie, voici les témoignages de certains d’entre eux. Aujourd’hui T.L. entrepreneur indépendant. Tous les témoignages sont publiés sous anonymat par mesure de sécurité.
Je suis arrivé en Russie en 1996 pour une semaine, j’avais 35 ans. Voyage touristique avec sans doute quelques arrière pensées ! D’une part “les filles”, faut pas jouer les prudes, d’autre part peut-être y monter une affaire, je ne savais pas trop mais en avais plus que marre de bosser en France seulement pour payer payer et encore payer taxes et branleurs en tous genres.
Premier contact : Une sensation de LIBERTÉ, que tout est possible. Pourtant la ville (Moscou) est alors un bordel monstre, une anarchie totale, aucune règle de circulation, affichage sauvage partout, Jigoulis folles conduites à des vitesses dingues par des chauffeurs bourrés, etc. Mais tout y est ouvert 24/24. Des kiosques à tous les coins de rue où on trouve tout et même plus. Les casinos et stripclubs (ad minima!) de Novy Arbat, etc etc. Une sensation de liberté. De Liberté totale. Tout le contraire de la France qui déjà à l’époque était devenue ennuyeuse et aseptisée.
Pour résumer, je ne suis pas reparti au bout de ma semaine ! Un gars qui officiait comme “guide” à l’hôtel Izmaïlovo (encore “soviétique”!) m’a fait renouveler mon visa touriste pour un visa “affaires” sans que je ne bouge de Moscou, je me souviens des discussions avec les officiels du service des Migrations qui se marraient de ce “fransuz” qui ne comprenait rien. Mais le visa a été fait, et les suivants aussi.
La première “fille russe” était la bonne. Mariage entre un breton de 35 ans et une beauté sibérienne de 19 ans, ça dure depuis environ 28 ans et ça durera encore. Je suis retourné en France quelques mois plus tard pour solder mes affaires, convertir mes francs en Marks (plus facile à changer en Russie à l’époque), et suis revenu “chez moi” à Moscou. Je ne parlais pas un mot de russe à part “Da” et Net”, mais comme je ne comprenais pas les questions, ça ne servait pas à grand chose. J’ai appris simplement sur le tas, ma femme ne parlait pas un mot de français, bien obligés de se comprendre.
À l’époque, mariage plus 2 enfants qui sont vite venus, c’était la nationalité très rapide. J’ai eu mon passeport russe, et comme un gosse j’ai chialé quand on me l’a remis, je suis même arrivé à faire verser une larme à la “major” chef du service. J’avais auparavant fait une belle lettre de renonciation à ma nationalité française, c’était obligatoire à l’époque mais franchement aucun, mais alors aucun regret. De la fierté même alors que les russes, grands romantiques aux idées préconçues sur la France, rêvaient tous d’y aller.
Ils en sont revenus.
J’ai ouvert plusieurs affaires, à l’époque on vendait tout ce qu’on voulait, l’argent coulait à flots. Je me suis cogné avec des gars peu recommendables qui pensaient pouvoir racketter “le fransuz”, ça m’a fait connaitre des gens “bien placés”… mais pas toujours recommendables non plus ! Mes affaires étaient florissantes, Vladimir Poutine venait d’arriver au Kremlin et a remis de l’ordre petit à petit, enfin vous savez tout ça.
Je ne suis jamais retourné en France depuis 1997. Mes enfants d’un premier mariage viennent régulièrement me voir en Russie, ils ont leur vie en France maintenant. Mais je sais qu’ils regrettent de ne pas être venus avec moi à l’époque. Je ne veux à aucun prix retourner en France. Trop peur de réagir violemment en voyant la poubelle que c’est devenu.
Aujourd’hui je suis Russe, mes amis et collègues sont Russes. Et nous vivons en famille comme des Russes: Moscou, Novosibirsk, Samara, Iekaterinbourg. Vacances en Russie, datcha, shashliki, sauna etc etc. Et j’ai fait découvrir à mes amis qu’un breton tient mieux la vodka que beaucoup d’entre eux ! J’en oublie presque la langue française que je ne parle plus que par téléphone avec mes enfants de France. Je n’ai aucun contact avec les autres français de Russie et franchement quand il m’arrive de lire leurs ragots sur Télégram ça ne me manque pas. J’ai tiré un trait sur la France et les français qui ne m’inspirent aujourd’hui qu’une violente envie de vomir.
Le SVO ou plutôt “la guerre” disons-le clairement… J’y participe activement mais ne tiens pas à m’étendre la-dessus. La Russie est ma patrie, elle m’a tout donné et permis de vivre comme je vis… et comme je veux. Plus qu’un devoir, c’est mon envie de la défendre à mon niveau.
Je me dis que demain sera bien pire qu’aujourd’hui mais j’ai tout de même un regret… Un immense regret.
Le regret de n’être pas venu ici plus tôt. Et je n’en partirai pas, même les pieds devant.
Слава России!
“T.L.”